En 2020, une nouvelle lignée de virus influenza porcin, responsable de la grippe du porc, a émergé en France et a rapidement remplacé certaines souches précédentes. Les scientifiques du laboratoire de Ploufragan-Plouzané-Niort de l’Anses ont mené une étude pour comprendre comment ce changement rapide a pu se produire. L’émergence d’une nouvelle lignée représente un risque pour la santé des porcs mais aussi pour celle des êtres humains.
Des signes cliniques graves chez des porcs
Cela faisait 30 ans que les principales lignées de virus influenza porcins affectant les porcs en France n’avaient pas changé quand, en 2020, une nouvelle lignée, nommée H1avN2#E (référencée H1N2 de clade 1C.2.4 dans la nomenclature internationale), s’est répandue en quelques mois dans les élevages. « Nous avons remarqué ce nouveau génotype car il a été associé à une augmentation des foyers et des cas sévères de grippe chez les porcs, caractérisés par une forte hyperthermie, des problèmes respiratoires, des toux et également des avortements chez les truies. », explique Gaëlle Simon, cheffe de l’unité Virologie immunologie porcines et responsable du laboratoire national de référence pour l’influenza porcin porté par l’Anses.
Une propagation rapide
D’abord détecté en Bretagne, le virus s’est rapidement répandu dans toute la France hexagonale. En quelques mois, il est devenu prédominant dans les élevages. En 2020, 661 foyers de grippe du porc ont été signalés, soit bien plus que les 400 foyers observés en moyenne les années précédentes. Pour mieux comprendre cette émergence rapide, les scientifiques de l’Anses ont analysé les échantillons collectés de janvier 2019 à décembre 2022. La collecte des échantillons a principalement été effectuée grâce à Résavip, le réseau national de surveillance des virus influenza porcins, coordonné par la Coopération Agricole et auquel participe l’Anses.
Les analyses des virus collectés ont confirmé qu’ils étaient différents des virus présents précédemment en France aux niveaux génétiques et antigéniques. « Leur différence a fait qu’ils ont pu échapper à l’immunité préexistante des porcs, issue d’infections antérieures ou de la vaccination », explique la chercheuse.
La comparaison avec les autres virus influenza porcins connus montre que cette lignée est probablement originaire du Danemark. Elle est sans doute arrivée en France, directement ou en passant par d’autres pays européens, via l’importation d’animaux contaminés.
Renforcer les mesures pour éviter l’introduction de nouveaux virus
Outre les impacts sur la filière porcine, l’arrivée d’un nouveau variant peut également accroître le risque de transmission à d’autres espèces animales et à l’être humain. « Le virus H1avN2#E a causé plusieurs foyers d’infection dans des élevages de dinde depuis 2020 et a été responsable d’un cas grave de grippe porcine chez l’être humain en 2021. L’exposition des humains aux virus influenza porcins augmente le risque de réassortiment avec un virus de la grippe humaine, ce qui pourrait aboutir à l’émergence d’un virus mieux adapté à l’être humain. Le porc étant également sensible aux virus influenza humains et aviaires, les mélanges de virus peuvent aussi se produire chez l’animal. La dernière pandémie grippale, en 2009, était d’ailleurs causée par un virus influenza porcin. », souligne la scientifique.
Depuis 2022, le virus H1avN2#E s’est installé dans les élevages de porcs français où il reste prédominant. Cependant, ses impacts sont moins sévères, signe que les animaux ont développé une immunité contre cette lignée.
L’analyse de cette introduction met en évidence la nécessité et l’urgence de consolider les mesures de biosécurité afin d’éviter l’importation et la propagation de nouveaux virus. Les auteurs de l’étude insistent sur l’importance de renforcer les mesures de quarantaine lors de l’introduction de nouveaux animaux dans les élevages et d’encourager la surveillance des infections des porcs par les virus influenza porcins, même si la maladie n’est pas à déclaration obligatoire.
Source : ANSES, publication 07/05/2025 détails